Conseiller municipal depuis plusieurs mois maintenant, je voudrais vous partager ici quelques étonnements de notre démocratie et notre manière de faire société.
Avec un collectif de citoyens, nous avons été élus en début d’année 2022 dans une ville de Maine-et-Loire, de 6.000 habitants, au sud de l’agglomération d’Angers. Depuis notre investiture, je ne compte plus le nombre d’obligation et d’instance décisionnaire locale. Déjà d’un point de vue nationale ce n’est pas toujours évident, comme le montre ce schéma de notre 5ème République sur Wikipédia.
Mais comment comprendre ce qui se joue à l’échelle territoriale ? Pour commencer, mes premières semaines ont été de comprendre la gouvernance communale, son jargon et sa liste infini d’acronymes. La première obligation, portée à notre connaissance de nouveaux élus, a été l’Analyse des Besoins Sociaux. C’est un diagnostic sociodémographique, très pratique, en début de mandature. Il permet de faire correspondre la politique sociale aux besoins constatés sur la commune, et d’harmoniser l’action de l’ensemble des acteurs présents. La second obligation a été la répartition des responsabilités dans les instances d’actions locales. Accrochez-vous ça pique un peu…
Liste des instances locales
Lors de notre premier conseil municipal, nous avons ainsi dû définir les responsabilités des élus municipaux en tant que :
- Membres du Conseil d’Administration du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) ➔ Afin d’aider et accompagner les personnes en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté, ainsi que d’animer une action générale de prévention et de développement social ;
- Membres de la commission d’appel d’offres ➔ Afin d’attribuer des marchés publics pour le compte de la commune.
- Membres de la commission pour l’accessibilité ➔ Afin de dresser un état des lieux de l’accessibilité sur la commune et rédiger une liste de propositions pour l’améliorer ;
- Membres du comité de jumelage ➔ Afin d’être l’interlocuteur privilégié et d’animer les actions d’échanges entre villes jumelles ;
- Membres de la commission communale des impôts directs ;
- Membres du conseil municipal auprès de l’association école de musique et atelier de danse ➔ Afin de former et développer les activités musicales et chorégraphique auprès du (jeune) public ;
- Délégués auprès de l’Office Municipal des Sports, de la Culture, des Loisirs et de l’Action Sociale (OMSCLAS) ➔ Afin de soutenir, encourager et aider les associations communales à pratiquer leurs activités tout en fédérant leurs actions.
- Représentants à la Commission Locale d’Évaluation des Charges Transférées (CLECT) ➔ Afin de procéder à l’évaluation du montant total de la charge financière dévolue à l’agglomération.
Commission municipales
- Sans oublier la répartition des membres dans les commissions municipales suivantes (dont nous avons tant discuter afin de mettre en œuvre nos idées, selon les appétences de chacun et relative au fonctionnement de l’organisation municipal existante) :
- Commission Affaires scolaires, jeunesse et petite enfance
- Commission Habitabilité et aménagement du territoire
- Commission Culture et patrimoine historique
- Commission Solidarités et intergénérationnel
- Commission Mobilités, prévention et réduction des déchets
- Commission Vie associative et sportive
- Commission Finances et développement économique
- Commission Démocratie participative
- Commission Transition écologique, biodiversité, espaces naturels et éco-tourisme
- Commission Ressources humaines et qualité de vie au travail
Il est étonnant de constater que chaque commune organise ses commissions comme bon lui semble. Cette liste se ressemble souvent d’une commune à l’autre. Mais j’observe qu’elle définit, en creux, les engagements et la vision de la politique locale.
Et ce n’est pas fini
A l’échelle intercommunautaire (agglomération), départemental ou régionale, il existe également des instances nécessitant la présence d’élu, en tant que :
- Membres au conseil d’agglomération pour les adjoints communautaire et à ses commissions
- Membres du Syndicat Layon Aubance Louets ➔ Afin de rénover, améliorer, protéger et entretenir les cours d’eau, rivières et des bassins versants.
- Membres à Alter Public (Entreprise Publique Locale) ➔ Afin d’aider les collectivités actionnaires dans leurs projets d’aménagement de développement économique et de construction d’équipements publics
- Référent auprès de l’agence d’urbanisme de la région angevine (AURA) ➔ Afin de contribuer à la définition des politiques d’aménagement, de développement et de planification urbaine.
- Référent au Conservatoire d’espaces naturels (CEN) des Pays de la Loire ➔ Afin de développer des actions de connaissance, de protection, de gestion et de valorisation de la biodiversité et du patrimoine naturel.
- Membres au conseil d’administration du Centre Local d’Information et de Coordination gérontologique (CLIC)
- Et le dernier (mon préféré), membres du CALEOL – Commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements ➔ Afin de participer à la décision d’attribution de logements sociaux auprès de personnes en difficulté.
Respirons un coup… La politique est une science que nulle ne peut appréhender dès la première réunion. Est-ce digeste ? Quels sont les citoyens informés de ces instances ? Cette organisation est le fruit des décisions de nos aïeux et doit avoir son lot de raison d’être. Mais maintenant, que dire des ambitions, de la mission et des objectifs de chacune de ces entités ? Quels impacts ont ces organisations sur nos vies ? Pouvons-nous nous inscrire dans ces organes afin d’apporter notre pierre à l’édifice ? Sans rendre le système encore plus complexe ? J’ai tellement de questions que l’humilité et la volonté d’agir ne font que grandir d’avantage.
Efficacité politique
In fine après un an d’action, je constate le chemin parcouru et les marches d’apprentissages restantes. A présent voici mon constat :
- Notre système politique est complexe et manque de clarté pour un trop grand nombre d’entre nous. L’opacité et le manque de pédagogie devient donc néfaste pour notre cohésion, la compréhension de nos droits et le maintiens de l’intérêt général. La liste d’instances locales a évolué avec les mois passés, découvrant toujours plus d’organisations en lien avec la municipalité.
- Notre démocratie est (et reste malheureusement) représentative. Une fois les élections terminés, les citoyens peuvent être totalement absent de tout débat et décisions politiques. Il manque donc aux citoyens des moyens pour agir et s’exprimer à l’échelle locale et nationale. Dit autrement, il y a un manque d’efficacité politique. L’efficacité politique, définit par Laurent Bernhard & Marc Bühlmann, est le rapport « aux sentiments qu’ont les citoyens d’influencer leur système politique ».
- Avoir objectivement raison, ne signifie pas, faire l’adhésion du plus grand nombre. Faut-il encore en avoir la preuve. L’un des exemples les plus flagrant sont les années d’alertes des écologistes, par les différents rapports du GIEC. La situation du climat se détériore d’avantage sans décisions politiques adéquates. La planète émet toujours d’avantage de CO2 que les années précédentes.
- Faire l’adhésion du plus grand nombre ne signifie pas prendre de bonnes décisions. Par exemple le président français est élu à la majorité. Et il peut prendre des décisions qui ne font pas la majorité, comme dernièrement le recul de l’âge de la retraite en ce début 2023.
- Expliquer, pédagogiquement, des finalités et des objectifs concrets définit une vision politique. Lutter pour la préservation de la biodiversité sur son territoire est une finalité. Réduire de 55% nos émissions de gaz à effets de serres d’ici 2030 (par rapport à 1990) est un objectif (de la France et de l’Europe). Mais c’est avec des ateliers comme la Fresque du Climat que l’on comprend l’ignorance de cette orientation sociétale. La nécessité de former et de décliner ces enjeux aux citoyens, et à cette vision durable, est très largement sous estimer.
Pour aller plus loin
De mon point de vue, le système politique a trois fonctions afin de protéger nos droits, nos libertés, de maintenir l’ordre et le bien-être de chacun.
- La première fonction est de cadrer les transformations de nos usages communs. Le rôle du politique est de savoir où mettre ces curseurs dans nos modes de vie. Que ce soit le vote des femmes, la limitation de vitesse ou la part du bio en cantine, il n’en a pas toujours été ainsi. Faut-il encore comprendre les douleurs et finalités que ces droits représentent, respectivement : une juste égalité de droits, une réduction (mortelle) des risques, une préservation de la vie sur Terre…
- La seconde fonction est de partager et protéger nos ressources communes, avant tout financière mais aussi naturelle, matérielle et immatérielle. Bref, la société se doit d’être garante de nos biens communs, de l’eau, de l’air, de nos forêts, de notre patrimoine, des outils que nous partageons… Et l’argent collecté collectivement est l’un des outils au service de chacun de nous. Il est ainsi difficile de prioriser certains communs par rapport à d’autres. Car nos moyens ne sont pas infinis.
- La troisième fonction est d’être garante de la constitution en la précisant, l’améliorant, et la protégeant encore et toujours. « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Art.2 ». Mais, qui connait aussi les droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 inclus à notre constitution ? Voici les 2 premiers articles :
- Article 1. Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
- Article 2. Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.
Questionnements
Que dire de ces articles constitutionnels dans le contexte climatique actuel ? Est-ce que ces obligations et cette complexité auront assez de réactivité et de réflexivité face aux crises (climatiques) à venir ? Comment mobiliser les citoyens sur des sujets qui les concernent dans une telle organisation ? Nos instances, à commencer par le conseil municipal, deviennent ainsi des chambres d’enregistrement plutôt que des lieux des débats et de partage de problématiques concrètes. D’ailleurs, je me demande aujourd’hui si l’efficacité d’une politique publique est corrélé au degré de complexité de notre système politique ? Une partie de la réponse a sans douté été formulé dans les caractéristique du design civique. Ma faible participation sera, avant tout, dans le partage de cette gouvernance, afin de donner du sens au terme « politique ».
Schéma de gouvernance municipale
Voici donc un schéma explicitant le mode de fonctionnement d’une commune comme la notre. Dans les grandes lignes, nous pouvons le résumer ainsi :
- Les citoyens de la commune, corps électoral, votent tous les 6 ans pour un conseil municipal
- Le conseil municipal se rencontre tous les mois et règle« par ses délibérations les affaires de la commune »
- Le bureau municipal (adjoints et délégués au maire) se rencontre 3 fois par mois afin de préparer ce conseil municipal.
- Notre bureau municipal a adopté une gouvernance collégiale, en intégrant tous les élus de la majorité, afin de partager les sujets et de créer d’avantage de débat et de consensus.
- Les commissions municipales se réunissent tous les trimestres et sont adossés à des commissions extra-municipales ouvertes au citoyens.
- Un café des élus par quartier à lieu tous les ans. Avec 12 quartiers sur la commune cela fait un café par mois entre les élus et les citoyens .
- Un conseil consultatif de citoyens permet à une groupe de citoyens de s’auto-saisir de sujets et d’agir en conséquence.
- Des groupes d’actions projet sont des groupes, réunissant des élus, des agents et des citoyens, agissant sur une proposition concrète de manière autonome une fois le cadre définit. Nous avons par exemple les groupes d’action suivants : création d’un jardin partagé, organisation d’une fête des transitions, installation d’un marché de producteurs locaux…
- Un conseil municipal des jeunes, élu par les enfants, fait des propositions au conseil municipal par l’intermédiaire des commissions.